Changements climatiques
Des variations de température imprévisibles, des inondations spectaculaires et des tempêtes d'une rare violence : les éléments d'un film catastrophe? Pas du tout. De grandes perturbations bouleversent déjà le climat mondial et le phénomène risque seulement de prendre de l'ampleur. Partout, on constate les conséquences alarmantes du réchauffement de la planète. D'après le 4e rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) publié en 2007 : « Le réchauffement du climat ne fait aucun doute et est désormais confirmé par l'augmentation observée des températures moyennes de l'air et de l'océan, la fonte généralisée de la neige et de la glace et l'augmentation du niveau moyen de la mer. » Entre 1995 et 2006, nous avons enregistré les onze années les plus chaudes depuis 1850! Et pour trouver le coupable, inutile d'aller bien loin : il n'y a qu'à regarder dans un miroir!
Si la Terre a connu dans son histoire des variations climatiques importantes dues aux grands bouleversements historiques (éruptions volcaniques, collisions de grosses météorites), c'est aujourd'hui l'humain le principal responsable des perturbations majeures du climat. Pour faire rouler ses industries, pour assurer ses services de transport et pour produire de l'énergie, l'être humain brûle une quantité astronomique de matière carbone comme le charbon et le pétrole. Résultat : des gaz comme le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et le protoxyde d'azote (N2O) sont libérés massivement dans l'atmosphère et forment un dôme qui emprisonne la chaleur au-dessus de nos têtes. Il s'agit de l'effet de serre, ce qui est aussi un phénomène naturel en soit. En effet, sans ces gaz, la vie sur Terre telle qu'on la connaît, deviendrait impossible puisque la température serait beaucoup trop froide. Cependant, depuis près de 200 ans, c'est l'inverse qui se produit. Certaines activités humaines ont causé une augmentation dramatique des émissions de ces gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère, ce qui perturbe grandement l'équilibre des systèmes climatiques sur la planète et cause un réchauffement anormal. Oubliez donc l'idée de vous faire dorer sous les palmiers au Canada : les bouleversements annoncés n'ont rien d'un oasis tropical.
D'après les climatologues, la température moyenne actuelle de l'hémisphère nord est la plus élevée depuis 500 ans, et probablement depuis 1 300 ans! Pire, les températures moyennes pourraient augmenter de 1,8 à 4 degrés Celsius d'ici 2100 à l'échelle planétaire. Minime, direz-vous? Si on se met dans la peau d'un glacier, c'est énorme! Le Service mondial de suivi des glaciers (SMSG) a évalué qu'entre 2004-2005 et 2005-2006, le rythme de fonte de 30 glaciers témoins avait plus que doublé! À titre d'exemple, le glacier norvégien Breidalblikkbrea a perdu près de 3,1 mètres d'épaisseur durant la seule année 2006, contre seulement 30 centimètres l'année précédente. Au cours du siècle dernier, le glacier du mont Kilimandjaro (Afrique) a perdu plus de 72 % de sa masse! On estime que le niveau de la mer pourrait augmenter d'un mètre d'ici 2100. Plus d'un million d'espèces animales et végétales seraient alors affectées; les habitants du Grand Nord canadien, quant à eux, subissent déjà les conséquences des changements annoncés.
L'ours blanc est le plus grand prédateur terrestre de la planète. Grand seigneur dans son domaine blanc, parfaitement adapté à la survie dans le froid polaire mordant, il pourrait bien être terrassé par la disparition pure et simple de son terrain de chasse : la banquise. Des premiers jours de l'hiver au début du printemps, l'ours blanc arpente cette surface gelée à la recherche de sa proie de prédilection : le phoque. Pour emmagasiner les quelques 200 kg de graisse nécessaires à sa survie, le prédateur doit consommer en moyenne une quarantaine de phoques chaque année. Hors, depuis les 40 dernières années, l'augmentation de 3 ou 4 degrés Celsius des températures a fait rétrécir la surface de la banquise, en plus de retarder sa formation en hiver et de précipiter sa fonte au printemps. Incapables de s'alimenter adéquatement, les ours doivent redoubler d'efforts pour trouver leur nourriture, s'épuisant souvent jusqu'à la mort en parcourant à la nage la distance entre deux îles flottantes glacées. Des spécialistes ont déterminé que chaque semaine de moins de présence de la banquise fait perdre 10 kilos à un ours blanc. Le poids moyen des individus a décliné de 15 % au cours des 20 dernières années. Si rien ne change, la banquise aura totalement disparue avant la fin du 21e siècle, emportant avec elle le symbole de nos régions polaires.
Difficile de prédire avec précision les conséquences des bouleversements climatiques sur la faune; mais déjà, on observe certaines tendances. Des milliers d'espèces à travers le monde gagnent tranquillement les régions plus nordiques, encouragées par le réchauffement des températures. Selon les biologistes, un réchauffement de 1 °C se traduit par un étirement vers le nord de 180 km en moyenne de l'aire de distribution de certaines espèces. C'est le cas notamment du renard roux, qui envahit littéralement le territoire de son petit cousin, le renard arctique. Bénéficiant de l'adoucissement des conditions climatiques, l'envahisseur compétitionne pour les mêmes ressources alimentaires et pour les mêmes terriers que son blanc cousin. Plus gros et plus mobile, le renard roux peut même se transformer en prédateur du renard arctique lorsque l'occasion lui en est donnée. Dans les pays scandinaves, on ne compte pratiquement plus de renards arctiques : le renard roux est roi et maître, et il pousse le petit prédateur blanc dans ses derniers retranchements.
L'augmentation des températures a pour effet d'élever, dans certaines régions, le niveau d'humidité de l'air et donc, la quantité de précipitation. Si d'importantes quantités de neige font la joie de ceux qui pratiquent les sports d'hiver, elles sont une véritable calamité pour plusieurs espèces animales qui peinent déjà à survivre en hiver. C'est le cas du caribou de Peary. Avec une population de moins de 3 000 individus qui ne se retrouvent que sur le territoire arctique du Canada, cette sous-espèce de caribou est menacée d'extinction. Depuis quelques années, un nouveau phénomène s'ajoute aux difficultés qu'il rencontre déjà : l'épaississement de la couche de neige au sol. Contraint de creuser davantage pour trouver sa nourriture (le lichen) et gêné dans ses déplacements, le caribou de Peary puise dans ses réserves d'énergie et s'expose à mourir de faim.
Il n'y a pas que dans les régions froides du globe que les effets des changements climatiques se font sentir. Le décor paradisiaque des fonds marins, sensible aux moindres perturbations, nage en plein bouleversement. L'augmentation du niveau de CO2 dans l'air rend l'eau de mer plus acide, entraînant la mort des récifs coralliens, car une eau plus chaude et plus acide fait se dégrader le squelette calcaire qui forme le corail et qui abrite un petit animal à l'intérieur (polype). On prévoit que d'ici 2050, l'Australie pourrait perdre 95 % des coraux qui forment la Grande Barrière de corail. Or, les récifs coralliens grouillent d'une vie riche et variée, et ils sont des écosystèmes d'une importance capitale : on estime que près d'un million d'espèces animales et végétales gravitent autour des récifs de coraux. Y aura-t-il encore des poissons au rendez-vous lorsque les plongeurs tremperont leurs palmes?
Les changements climatiques ne sont pas des phénomènes nouveaux : depuis 4,5 milliards d'années, la Terre a connu un spectre très large de bouleversements qui ont changé la dynamique de son environnement. La particularité de nos jours, c'est que les actions humaines accélèrent les changements climatiques et en précipitent les conséquences, au point que les espèces vivantes arrivent difficilement à s'y adapter. Il faut se faire à l'idée : les écosystèmes particulièrement fragiles et les espèces animales qui y vivent sortiront transformés de ces grandes perturbations.