Pertes d'habitats
L'exploitation du territoire
Les gorilles perdent du terrain, les tigres voient disparaître leur territoire de chasse et les éléphants sont de plus en plus à l'étroit en Afrique et en Asie. Les coupes forestières massives, l'expansion des villes et l'explosion des activités agricoles (culture et élevage du bétail) façonnent le paysage et influencent le destin de milliers d'espèces vivantes. En 5 ans (de 2000 à 2005), on estime que près de 4,3 millions d'hectares de terres vierges ont été transformées par les activités humaines en Amérique du Sud et que près de 4 millions d'hectares en Afrique ont connu le même sort. Ces superficies combinées correspondent à peu près à la taille du lac Supérieur. En Australie, près des deux tiers des forêts d'origine ont disparu. De façon globale, la soif démesurée de l'être humain pour les ressources naturelles gruge peu à peu l'espace vital des autres habitants de la planète.
Des perturbations qui dérangent
L'équation mathématique est simple : plus nous comptons d'humains sur Terre, plus nos besoins sont importants. Il faut plus d'endroits où nous loger, plus de terres défrichées où faire pousser nos céréales, plus d'espace pour faire paître notre bétail et plus de routes pour acheminer les produits de consommation. Résultat : des habitats sont morcelés, dépouillés et transformés. La difficulté rencontrée par de nombreuses espèces animales réside dans le fait que ces changements sont soudains et qu'ils perturbent énormément leurs conditions de vie : une coupe à blanc, une inondation à la suite des activités d'un barrage hydroélectrique ou encore l'exploitation minière ont des conséquences sans appel sur les espèces animales victimes des événements. Trois choix s'offrent alors à elles : s'adapter, déménager ou encore disparaître. Le renard roux et le coyote se sont adaptés et exploitent la proximité avec l'humain en investissant les dépotoirs et en pillant les basses-cours. Les oiseaux nicheurs s'envolent vers de nouveaux sites de ponte. Mais tous n'ont pas le loisir d'être à un battement d'aile d'endroits plus cléments, et les environnements encore vierges sont de plus en plus rares...
Des exemples partout dans le monde!
Le tigre de l'Amour est le plus grand félin de la planète. Le territoire d'un mâle adulte varie entre 500 et 1 000 km2; désormais confiné dans quelques réserves de Russie, le grand prédateur peine à débusquer ses proies, car les vastes étendues forestières ont disparu sous les lames des tronçonneuses, faisant fuir le gibier. Le tigre du Bengale, pour sa part, partage son espace vital avec plus d'un milliard d'humains en Inde : les confrontations sont inévitables. À défaut de pouvoir trouver suffisamment de ressources dans le milieu naturel, les ours, qu'ils soient bruns, blancs ou noirs, se sont tournés vers les dépotoirs pour trouver de quoi manger. Les papillons monarques, qui effectuent l'une des migrations les plus spectaculaires entre le Canada et le Mexique, peinent désormais à trouver des conditions adéquates à leur hivernage : de récentes observations laissent penser que près de 56 000 hectares de la Monarch Butterfly Biosphere Reserve continuent d'être illégalement perturbés par des activités humaines. C'est plus de 1,8 million d'hectares de forêt qui brûlent chaque année en Indonésie pour faire place aux plantations de palmiers (huile de palme), soit près de 200 hectares par heure! Si ce rythme perdure, l'Indonésie devrait perdre la totalité de ses forêts d'ici 50 ans; une donnée qui offre bien peu d'espoir aux populations d'orang-outan qui habitent les Îles de Bornéo et de Sumatra.
Au Canada
Le Canada est un pays immense réputé pour ses grands espaces et ses reliefs majestueux. Cependant, c'est dans le sud du territoire que se concentre la population canadienne et que les perturbations liées aux activités humaines sont les plus importantes; conséquemment, le nombre d'espèces en péril y est également plus élevé. L'un des exemples les plus frappants se retrouve dans l'Ouest canadien. Le paysage s'est transformé radicalement avec le développement à grande échelle de la culture des céréales et l'exploitation pétrolière (sables bitumineux). Plusieurs populations d'espèces fouisseuses, comme le chien de prairie et le blaireau, ont été chassées ou exterminées. Conséquemment, la chevêche des terriers, une espèce qui dépend notamment des deux autres pour lui fournir des terriers, a perdu son habitat et s'est retrouvée sur la liste des espèces menacées. Ailleurs, le pluvier siffleur et la tortue-molle à épines boudent les plages de sable, pourtant essentielles pour pondre leurs œufs : ils ne parviennent tout simplement pas à faire le poids contre les baigneurs, les véhicules tout-terrains et les aménagements riverains. Des aires de nidification de nombreuses espèces d'oiseaux se sont retrouvées sous plusieurs mètres d'eau après l'inondation volontaire de vastes secteurs dans le nord du Québec.
Puisque personne ne leur a appris à regarder des deux côtés de la rue avant de traverser, beaucoup d'animaux périssent sur le réseau routier du pays; par exemple, au Québec, les espèces les plus fréquemment renversées au passage des véhicules sont le rat musqué, la marmotte commune, le lièvre d'Amérique, le raton laveur et la mouffette rayée. Le morcellement du paysage provoque des modifications de comportement chez les animaux. Pour rejoindre une autre partie de territoire, un partenaire de reproduction ou une source alimentaire, ils n'ont d'autre choix que de mettre leur vie en danger. De telles collisions sont également dangereuses pour ceux qui prennent place dans les véhicules : frapper un cerf ou un orignal peut s'avérer fatal.
Un regard vers l'avenir
Cohabiter à l'intérieur d'une maison est parfois difficile, alors imaginez à l'échelle planétaire! Néanmoins, l'être humain ne peut plus l'ignorer : chaque changement qu'il impose, chaque milieu qu'il modifie, transforme à jamais le sort des espèces qui vivent dans cet environnement. Un beau défi attend les générations à venir : répondre aux besoins grandissants de la population humaine dans le respect des écosystèmes existants.